Jean-Louis Triaud, président des Girondins : « J’ai tout entendu » (sud ouest)
Le président des Girondins, mis en cause dans une pétition sur Internet, tancé pour n’avoir pas remplacé Plasil, estime les critiques infondées, et défend le côté positif de son bilan .
« Sud Ouest Dimanche ». Que vous inspire cette pétition qui circule contre vous sur internet ?
Jean-Louis Triaud. Rien de très particulier car depuis 96 que je suis président de ce club, je suis confronté tous les ans soit à une pétition, soit une réaction négative des supporters. Je ne leur conteste pas le droit d’avoir une opinion, d’aimer, de ne pas aimer, de critiquer. C’est légitime. Mais ce que je conteste, c’est que cette pétition ne fasse qu’un constat d’échec.
C’est à dire ?
Depuis que je préside aux destinées des Girondins, nous avons gagné deux titres de champion, trois coupes de la Ligue (et trois autres finales disputées), deux trophées des champions et une Coupe de France. Nous avons participé à un quart de finale de la Ligue des Champions, un quart de finale de Ligue Europa et nous sommes peut-être le club qui a joué le plus de matches européens. Nous sommes derrière Lyon, le club qui a gagné le plus de titres, à peu près à égalité avec le PSG, qui a un titre de champion de moins que nous mais plus de Coupes de France. Globalement, comparé aux autres clubs français, c’est plutôt un bon bilan. Et depuis 2009, nous sommes le seul club à avoir gagné les quatre compétitions (championnat, coupe de la Ligue, coupe de France et Trophée des Champions). Donc si l’on dit que la gestion du club sur cette période est un échec, ça n’est pas vrai, les chiffres prouvent le contraire.
On vous reproche une gestion qui ne vous donne pas les moyens de lutter pour le titre tous les ans et n’offre pas un jeu très séduisant…
Lutter pour le titre, aujourd’hui, c’est fini. Cela ne concerne plus que Paris et Monaco, une situation similaire à celle des grands championnats européens. Face à Paris et ses 400 millions d’euros de budget, que pouvons-nous faire avec nos 65 millions ? Quant à notre style de jeu, je ne suis pas responsable du terrain. La plupart des joueurs de notre effectif sont internationaux dans leur pays, certains l’ont été avec l’équipe de France. Les joueurs ont aussi une part de responsabilité dans leur expression. Mais je suis le premier à regretter notre jeu alternatif!
On vous reproche ces contrats longue durée qui empêchent de recruter un joueur de top niveau…
Mais même sans ces salaires, je ne pourrais pas pour autant recruter Falcao ou Cavani… On ne joue pas dans la même catégorie que Paris et Monaco. En dix-sept ans, j’ai tout entendu. Parfois, nous sommes des crétins, pour ne pas être capables de conserver un effectif brillant. On nous traite d’incompétents, en nous accusant soit d’avoir cédé aux sirènes de l’argent, soit de ne pas avoir su convaincre des joueurs de rester avec un salaire trois fois inférieur à ce qu’on leur proposait ailleurs !
En 2009, ces joueurs se trouvaient en période de renouvellement de contrat juste après un titre. Certains étaient en partance pour la Coupe du monde, d’autres avaient été cités pour l’équipe de France. On a subi la pression logique de ces garçons pour une prolongation et une augmentation de salaire. Cela nous laissait tout de même très loin des salaires pratiqués dans les trois clubs leaders de la L1. Nos joueurs s’amusaient d’ailleurs à nous montrer la grille des salaires publiée dans « France Football » où le premier et seul Bordelais cité n’apparaissait qu’en 20e position, alors que ceux de Paris, Lyon et Marseille occupaient toute la rubrique. On ne peut pas nous reprocher un jour de laisser partir nos meilleurs éléments et nous dire ensuite qu’il ne fallait pas les garder. Après un titre, il faut bien faire des efforts pour empêcher un joueur d’être sollicité ou d’aller au bras de fer, façon M. Thauvin. Et cette décision fut prise en accord avec les entraîneurs en place, non pas de ma propre initiative. Je n’aurais pas prolongé un pro dont l’entraîneur m’aurait dit : « Celui-là, il ne faut pas qu’il reste… »
Comprenez-vous l’inquiétude des supporters qui voient Plasil partir alors que vous venez de perdre à Saint-Étienne ?
On n’a pas remplacé Plasil parce qu’on avait décidé de ne remplacer que les joueurs indispensables. C’est un professionnel exemplaire mais il avait envie d’autre chose. Pour autant, j’ai cru comprendre, à travers tous s commentaires, qu’on le trouvait trop peu performant. Maintenant qu’il est parti, on le pare de toutes les vertus! On l’a laissé partir parce que l’on vit notre relation en bonne intelligence et que cela permettra aux jeunes d’avoir plus de temps de jeu.
Mais vos recrues évoluent en CFA, cela paraît dommage…
Rolan a disputé le Mondial des moins de 20 ans, après avoir joué les qualifications l’hiver dernier. Il était nécessaire de lui donner trois semaines de coupure. Il avait besoin de se reposer. Il accuse donc un retard physique considérable. La meilleure solution n’est pas de le prendre avec les pros pour le mettre sur le banc. Il faut qu’il joue en CFA, retrouve du rythme et se mette dans le bain. C’est la même chose pour Orban, qui change de pays, de culture. Il faut qu’il s’acclimate.
En transférant Modeste, Trémoulinas, Plasil, vous faites une économie de masse salariale. Ne pouvait-on pas réinvestir cette économie dans un renfort ?
Nous avons 26 pros. C’est bien assez, surtout avec l’apport de nos jeunes. Au milieu, Poko a l’air de prendre une place importante. Si on recrute, qui va rester sur le banc, lui ou la recrue ? Chaque fois que l’on va recruter quelqu’un, cela va enlever à nos jeunes la possibilité de s’exprimer. Il faut préparer l’avenir, avoir confiance dans le talent de nos joueurs et intégrer des jeunes. Je ne crois pas que Poundjé ait démérité. C’est pour cela que je m’inscris en faux envers cette pétition qui ne propose, comme seule solution, que de virer Triaud. Je ne nie aucun droit à un public. Mais je lui rappelle les quolibets qui accompagnaient les entrées en jeu de Diabaté. Aujourd’hui, c’est la coqueluche du stade. À la lumière de cet exemple, je dis aux gens : « Soyez raisonnables, accordez-nous du crédit. Au lieu d’être contestataires ou critiques, essayez d’être simplement supporters ».
Vous êtes 15e et Francis Gillot se dit inquiet. Ne l’êtes-vous pas ?
Après quatre matches, nous sommes 15e et je crains que ce ne soit pire après cinq… Mais on ne va pas faire le bilan d’une saison sur cinq parties. Moi, je regarde le contenu. Mais après deux très bonnes prestations contre Paris et Monaco, un nul honorable à Toulouse à dix contre onze, il va falloir que l’on m’explique comment on peut faire une bonne première mi-temps contre Bastia et une deuxième très médiocre. Comment, après avoir pleuré toute la saison dernière en disant qu’on était désavantagé en jouant à 14 heures le dimanche, après avoir disputé la coupe de Europe, on peut recevoir une leçon de Saint-Étienne qui se trouvait exactement dans le même cas de figure ? A croire, avec cette défaite, que la saison dernière, les joueurs nous ont raconté des conneries…