«Sud Ouest». Quel bilan tirez-vous des vos matches amicaux?
Willy Sagnol. Les objectifs des ces trois matches étaient plus des objectifs de stage en termes athlétiques. Les joueurs sont fatigués mais c'est normal. Cela fait 19 jours qu'on tape bien sur eux! Après j'ai quand même été surpris par une certaine fragilité physique. Pourtant, la préparation, par rapport à ce qui se fait ailleurs en Europe en terme de volume et d'intensité, c'est très moyen. Maintenant, ils vont souffler un peu et se consacrer à la deuxième phase où l'on va s'occuper des animations.
Êtes-vous satisfait de leur état d'esprit ?
L'état d'esprit, oui. Mais on sait bien que pendant la préparation, tout le monde, il est beau, tout le monde il est gentil. Chacun pense avoir sa chance, sa carte à jouer. Quand les matches arriveront, il y aura forcément des joueurs contents et d'autres moins contents. Mais c'est comme ça dans tous les clubs.
Quand on est entraîneur fédéral, à quel moment se dit-on que l'on va aller en club ?
Ce sont les occasions qui font le larron, dit-on. Je n'avais pas de plan de carrière, j'étais à la fédération en tant que directeur des sélections ou sélectionneur des espoirs, deux postes qui me plaisaient, qui faisaient que je prenais du plaisir. Quand des opportunités arrivent, vous les saisissez ou pas. À un moment donné, à travers les échanges que j'ai eus avec Bordeaux, j'ai senti que c'était peut-être le moment.
C'était les postes qui se libéraient à Bordeaux et Lyon ?
C'était l'opportunité d'aller dans des clubs de ce niveau. Aller dans un club de L2 m'aurait fait beaucoup plus réfléchir. Là, c'est quand même Bordeaux. Ça fait partie du top 7-8 depuis très longtemps en France. Le discours du président et de monsieur de Tavernost m'ont interpellé. Les choses ont été relativement vite.
Mais Bordeaux plutôt que Lyon, où vous avez passé des entretiens, n'est-ce pas frustrant ?
Non, c'est une question de feeling humain. Quand un entraîneur décide d'aller dans un club, il n'y a pas que le corps de métier, il y aussi l'environnement, le contexte, et je trouvais que l'environnement et le contexte me convenaient plus que ceux de l'OL. Lyon est un très beau club, bien structuré avec de très bons jeunes. Les deux projets étaient très intéressants mais ensuite, c'est une question de feeling.
Réfléchit-on aux risques quand on décide de franchir le pas ?
Bien sûr. Mais je ne pense pas que ce soit très valorisant pour un homme de se contenter de ce qu'il a, de ne jamais prendre de risques, de rester pépère à la maison. J'aurais pu rester 25 ans à la fédération mais je ne pense pas qu'humainement cela m'aurait fait grandir.
Vous n'avez pas une grosse enveloppe pour recruter et il n'y a pas une grosse différence entre la 5e et la 15e place…
Entre la 3e et la 15e, on peut même dire. Sur leur potentiel, les équipes sont assez proches les unes des autres, avec des forces et des faiblesses différentes. Ici, il y a de très bons joueurs. Wahbi Khazri et Nicolas Pallois sont arrivés, d'autres vont suivre avant la fin du mercato, de façon à constituer un groupe le plus compétitif possible.
Quel entraîneur êtes-vous ? On vous voit parfois chambrer vos joueurs !
C'est peut-être dû à mon âge. Je suis encore jeune, il n'y a pas trop d'écart entre eux et moi. Mais le fait de chambrer un joueur n'empêche pas, deux minutes après, d'être très exigeant avec lui. C'est une question de rapports humains. Si on veut être respecté, il faut aussi respecter les autres. Je n'ai pas envie d'être un dictateur, qui dise toujours quoi faire, comment faire. J'aime bien que les joueurs soient partie prenante de leur projet.
Vous n'êtes donc pas du genre à faire un toro avec eux, comme Claude Puel ?
Claude, quand il était entraîneur à Monaco, il m'avait blessé dans un petit jeu ! J'ai été blessé à la cheville pendant quelques semaines. Donc, non !
Vous sentez-vous de taille à lutter contre le confort dans lequel les joueurs se réfugient parfois ?
Il fait bon vivre à Bordeaux. Le club est stable, avec l'océan et la montagne pas loin. Les gens sont gentils, discrets. C'est sûr que les joueurs peuvent parfois s'endormir. Mais mon rôle, ainsi que celui du staff est de veiller à ce que les heures de sommeil ne soient pas trop longues !
Vous avez pour mission d'intégrer les jeunes. Comment allez-vous vous y prendre ?
Ma mission n'est pas forcément d'intégrer des jeunes. Elle est d'intégrer des jeunes qui soient prêts ! Un jeune qui n'est pas prêt, il n'a pas à être intégré maintenant. Il faut qu'il continue à travailler. Nous avons des jeunes, de très jeunes joueurs qui sont loin, voire très loin d'un niveau de première division. C'est à eux de savoir s'ils veulent atteindre ce niveau un jour et s'ils sont prêts à consentir tous les efforts pour cela. Je trouve dommage qu'un gamin de 18 ou 20 ans, après cinq semaines de vacances, revienne à l'entraînement avec quatre ou cinq kilos de trop… Cela veut dire qu'il ne réalise pas ce qu'est le football de haut niveau. Pour moi, c'est incompréhensible.
Que manque-t-il à Vada ?
Il lui manque beaucoup de choses. Jeune joueur avec un talent de joueur de foot. Mais de joueur de foot à joueur professionnel, il y a un grand pas à franchir. C'est à lui de savoir s'il a en vie d'y arriver.
Thomas Touré, c'est une bonne surprise ?
C'est une surprise quand on ne connaît pas les joueurs. C'est vrai que Thomas, je ne l'avais pas vu jouer souvent. Mais dans le milieu du foot, tout le monde se parle. Il se dit qu'à Bordeaux il y a de très jeunes joueurs très intéressants et qu'il fallait peut-être simplement leur donner un peu de temps de jeu et les orienter un peu.
Vous allez à Montpellier , puis recevez Monaco. Vous pouvez vous retrouver avec deux matches et zéro point…
Ou deux matches, six points ! De toute façon, il faudra affronter tout le monde. On ne part pas en se disant qu'on peut avoir zéro point après deux journées. Notre objectif est de nous dire qu'il y a un match à Montpellier et qu'il faut le gagner. Ensuite on se projettera sur Monaco, pour essayer de gagner également. Il faut prendre match après match. Dans une saison où on ne joue pas l'Europe, on se trouve moins dans une gestion de l'effectif.
Lamine Sané sera-t-il votre capitaine ?
Lamine fait partie des cadres. Par son vécu au club, par son parcours dans la région. Je me fais souvent arrêter en ville par des jeunes qui me parlent de lui. Lamine c'est un modèle pour son parcours, sa gentillesse, ses qualités de joueur. C'est un personnage important…
Vous plaisez-vous à Bordeaux ?
Tout à fait, mais quand je serai rentré dans ma maison avec ma famille, ce sera encore mieux. Pour l'instant, ce n'est pas plus mal, car je passe beaucoup de temps au centre d'entraînement. Avec le staff, on réfléchit à ce que l'on peut faire pour améliorer les choses, pour le lendemain, pour le surlendemain. C'est intéressant. En tant qu'entraîneur, c'est ma première préparation estivale, c'est donc très formateur également.
22 Mars 2015 Sagnol - « Pas grand-chose à dire »